La bibliothèque des Amis de l'école (1912-1971)
La société de lecture des Amis de l’école est fondée le 21 janvier 1912. Son but est de « constituer une bibliothèque et de répandre autour d’elle le goût de la lecture ». Implantée à l’école des garçons, elle remplace la bibliothèque scolaire des adultes qui ferme l'année suivante.
De 1912 à 1940, les premières années de la bibliothèque des Amis de l'école
Les Amis de l’école, une association
La gestion administrative des Amis de l’école est assurée par un conseil d’administration. Le premier conseil se compose d’hommes dont les professions sont diverses : un négociant, deux cultivateurs, un instituteur, un maçon, un rentier et un journalier. Son président est alors Armand Raffenoux, qui ne reste à ce poste qu’une année, car, travaillant comme épicier et grainetier à Sens, il ne peut se déplacer régulièrement à Saint-Hilaire. Un homme, qui va jouer un rôle important dans la vie de la bibliothèque, fait déjà partie des administrateurs : Emile Petitpas, un cultivateur du hameau des Laurents. Il sera président de la bibliothèque à partir de 1933 et ce jusqu'en 1946.
Chaque année, le conseil d’administration convoque ses membres pour se réunir lors de l’assemblée générale. C’est l’occasion de faire le bilan de l’année écoulée et de réfléchir aux besoins de la bibliothèque en tentant de répondre aux questions suivantes : de combien d’adhérents se compose l’association ? Combien de livres ont été empruntés ? Quelles nouvelles acquisitions sont-elles envisagées ?
Les Amis de l’école, une bibliothèque
La société de lecture des Amis des l'école est l'héritière des établissements qui l'ont précédée. Son fonds a été créé à partir des collections de la bibliothèque scolaire de Saint-Hilaire et de celle de la société républicaine d'instruction du village. Ceci est prouvé par l'analyse des catalogues de ces trois bibliothèques et par l'étude matérielle de la bibliothèque des Amis des l'école, qui est aujourd'hui conservée à la mairie de Saint-Hilaire : le contenu des catalogues est souvent similaire tandis qu'un même livre peut porter à la fois l'estampille de la société républicaine et celle des Amis de l'école.
Page de titre portant l'estampille « Société républicaine d'instruction de Saint-Hilaire-lès-Andrésis (Loiret) »
et celle de la société de lecture des Amis de l'école
La bibliothèque est ouverte à tous les habitants de Saint-Hilaire, hommes et femmes, à la condition que chaque adhérent règle une cotisation annuelle de deux francs.
Les missions du bibliothécaire sont tenues par l’instituteur du village. C’est lui qui gère le prêt et le retour des ouvrages, leur classement et leur rangement ainsi que les nouvelles acquisitions. Les archives nous ont transmis les noms de deux instituteurs-bibliothécaires de Saint-Hilaire : Émile Galliard (1912-1923) et Marcel Brebion (1924-1927).
Une bibliothèque qui fonctionne correctement jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale
Entre le moment de sa fondation en 1912 et la Seconde Guerre mondiale, la bibliothèque fonctionne correctement. Même pendant le premier conflit mondial, des prêts de livres ont toujours cours (on en constate en 1915, 1916 et 1918). Sa fréquentation dut augmenter, comme en témoigne le nombre croissant des prêts entre 1912 et 1924 :
Année |
1912 |
1913 |
1920 |
1921 |
1922 |
1924 |
Nombre de prêts |
275 |
252 |
638 |
584 |
702 |
791 |
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la bibliothèque des Amis de l'école compte une quarantaine de membres (pour une population municipale d’environ 570 habitants), un nombre qui ne sera plus jamais atteint par la suite.
Convocation à l'assemblée générale annuelle (sans date)
(Archives municipales de Saint-Hilaire-lès-Andrésis)
Réponse négative d'un membre des Amis de l'école au sujet de l'assemblée générale annuelle (sans date)
(Archives municipales de Saint-Hilaire-lès-Andrésis)
Les instituteurs - bibliothécaires de Saint-Hilaire : l'exemple d'Émile Galliard
Les archives mentionnent les noms de deux instituteurs successifs de Saint-Hilaire qui remplirent le rôle de bibliothécaire : Émile Galliard et Marcel Brebion
Émile Galliard (né en 1878 à Paris) prit sa fonction d’instituteur de la classe de garçons de la commune de Saint-Hilaire-lès-Andrésis en janvier 1909. Mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, il reçut la croix étoilée de bronze en 1917. Il quitta Saint-Hilaire avec sa femme, institurice de la classe des filles de la commune, en août 1923.
Le couple Galliard fut remplacé par Marcel Brebion et sa femme.
(fig. : classe des garçons de Saint-Hilaire, vers 1926 ?)
Il n’est pas toujours simple d’acquérir des livres...
Les commandes de livres donnent parfois lieu à des réponses inattendues : ruptures de stocks, délais exagérément longs... L'instituteur-bibliothécaire de Saint-Hilaire doit parfois s'armer de patience pour obtenir le livre tant attendu.
En 1920, la librairie L. Michaud, à Reims, a « le regret [d’]annoncer que (…) tous les volumes de Dumas (…) sont en réimpressions pour un temps indéterminé ».
En septembre 1922, la librairie Chartier fait savoir à l’instituteur de Saint-Hilaire qu’il n’a aucune nouvelle de la maison Balland, un imprimeur parisien dont la succursale régionale se trouve à Vierzon et avec lequel il travaille, ce qui ne l’étonne « qu’à moitié ». Quelques mois plus tard, Charles Balland s’excuse directement auprès de l’instituteur et explique que ses retards sont dus à des grèves qui ont affecté l’atelier de reliure. Cet épisode marque la fin de la coopération entre les Amis de l'école et la librairie Balland pour quelques années.
À l’instar des bibliothèques scolaires et communales, celle des Amis de l’école a tenté d’obtenir des aides ministérielles, sous la forme de concessions de livres. Mais la préfecture du Loiret lui rétorqua qu’elle ne pouvait lui donner satisfaction. La raison ? La société des Amis de l’école est ouverte à des membres qui s'acquittent d'une cotisation : elle n'est donc pas « populaire » !
Catalogue des nouvelles acquisitions des Éditions Nelson (1er Juin 1921) (Archives municipales de Saint-Hilaire)
source : OpenSreetMap
De 1945 à 1971, la lente disparition d’une bibliothèque vieillissante
La bibliothèque est remise en activité le 8 avril 1945 par son président, Émile Petitpas. Sa renaissance semble dynamique : elle compte 24 adhérents en 1945 puis 30, 37 et 36 les années suivantes.
L’année 1950 marque le début des difficultés. Le nombre de membres diminue inexorablement pour atteindre 20 adhérents en 1958 puis seulement 10 en 1964 et 6 en 1970. La baisse des cotisations entraîne des difficultés financières. L’adhésion est portée à 50 francs dès 1949. En 1954, le président en poste, Paulin Marigolle, meurt, puis, en 1957, c’est le secrétaire-trésorier, Maurice Lebert, qui décède. Ces disparitions symbolisent le vieillissement d’une association qui n’a réussi à renouveler ses membres. Le dernier compte rendu d’une assemblée générale est enregistrée en 1962. On y parle d’acquérir des nouveaux livres pour les treize derniers membres… Plus aucune réunion annuelle ne semble avoir lieu par la suite.
En 1971, date à laquelle une seule adhésion est réalisée, la bibliothèque ferme ses portes.
D'où viennent les membres des Amis de l'école ?
L'étude du registre des sociétaires des Amis de l'école (1933-1971), conservé à la mairie de Saint-Hilaire-lès-Andrésis, nous a permis de produire des statistiques sur les lieux d'habitation des adhérents de la société, sur plusieurs années. À partir de ces données, ont été réalisées des cartes qui permettent de localiser le nombre de membres originaires du bourg ou d'un hameau de Saint-Hilaire. Nous avons également joint une transcription des archives étudiées.
1933
1938
1945
1951
Quelle était la place des femmes dans les bibliothèques populaires ?
Malheureusement, peu d’archives font état de la présence des femmes au sein des Amis de l'école. Dans les registres d’adhérents, ce sont surtout les hommes qui apparaissent. Cependant, l’adhésion, bien qu’elle soit le fait d’un homme, peut en réalité bénéficier au couple marié, et donc à l’épouse. Cette stratégie visait à éviter la multiplication des cotisations au sein d’une même famille dont les revenus étaient modestes. À partir des années 1900, les femmes deviennent plus visibles. Dans certaines bibliothèques populaires, leur accès est facilité grâce à une réduction de leur cotisation.
À Saint-Hilaire, on sait que quelques femmes étaient sociétaires de la bibliothèque des Amis de l’école, entre 1938 et 1970. En 1938, sur 40 adhérents, elles étaient au nombre de 5 tandis qu’en 1953, année où elles sont le plus nombreuse, elles représentent 8 membres sur 27. Dans les registres d’adhérents, la situation maritale de chaque femme est précisée, contrairement aux hommes. Par exemple, en 1955, on note la présence de deux veuves – Marie Goix et Suzanne Meslier –, de Madame Léon Dupont qui est inscrite sous le nom de son époux, et de quelques célibataires comme mademoiselle Juliette Solignac.