Les bibliothèques scolaires de Saint-Hilaire
Les bibliothèques scolaires sont créées par l’arrêté du 1er juin 1862. Elles étaient bien sûr destinées aux élèves de l’école, mais aussi à leurs familles. À Saint-Hilaire-lès-Andrésis, les catalogues de bibliothèques laissent deviner qu’il a existé deux bibliothèques scolaires distinctes :
- celle destinée aux élèves, qui contenait les manuels scolaires et les ouvrages utiles aux leçons ;
- celle visant les adultes, où l’on trouve des romans populaires et des ouvrages de vulgarisation. Cette dernière, qui semble avoir fonctionné jusqu’en 1913, laissera place à la bibliothèque des Amis de l’école.
La gestion de ces deux bibliothèques est dévolue à l’instituteur.
La bibliothèque scolaire des enfants (1874-1922)
La bibliothèques scolaire des enfants de Saint-Hilaire-lès-Andrésis est attestée pour la première fois en 1874. Les catalogues qui en subsistent laissent entrevoir les transformations sociales et idéologiques qui ont traversé l'institution scolaire.
Des écoles spéciales à l’école mixte à deux classes (1874-1905)
Le contenu de la bibliothèque
Tous les 6 ans, l'instituteur dressait l'inventaire des livres contenus dans la bibliothèque scolaire. Ces inventaires, qui sont conservés, nous donne idée des ouvrages que les enfants pouvaient consulter et sur lesquels les leçons devaient s'appuyer.
À la fin de l’année 1874, les écoles spéciales – qui devaient consister en une école de filles et une école de garçon – possèdent probablement chacune une bibliothèque. À elles deux, elles possèdaient 796 volumes. En revanche, nous ne savons pas quels titres s'y trouvaient : des manuels scolaires y étaient vraisemblablement présents en plusieurs exemplaires.
L’inventaire dressé en 1880 fait état de 43 titres bibliographiques, répartis en 485 volumes. Il semble qu’un grand nombre d’ouvrages ait été détruit depuis 1874 du fait de leur mauvais état. Toutes les disciplines scolaires sont représentées : Francinet, livre de lecture courante par Bruno, grammaire, géographie, histoire, instruction civique, etc. S'y trouvent également des livres religieux, comme un psautier, le recueil de cantiques de Blanchard, une histoire sainte à l'usage des écoles primaires ou encore l'Évangile en douze exemplaires. Ces ouvrages liturgiques nous rappellent que l’école publique avait un rôle dans l’enseignement catéchétique jusqu'à ce que les lois de Jules Ferry (1881-1882) la rendent laïque.
L'inventaire de 1880 mentionne aussi le Conseil aux ouvriers sur les moyens d’améliorer leurs conditions de Barrau. Est-ce l'indice que la bibliothèque scolaire était consultée par les parents d'élèves ou bien ce livre s'est-il égaré ?
En 1886, 1892 et 1898, la bibliothèque contient uniquement des manuels scolaires. Une partie des ouvrages se rapporte à l’agriculture (Cours moyen d’agriculture de Barral et Sagnier en 1886, Catéchisme agricole de Greffe en 1892), ce qui est typique des bibliothèques implantées en milieu rural.
Date de l'inventaire |
Nombre de titres |
Nombre de volumes |
1874 | ? | 796 |
20 avril 1880 | 43 | 485 |
1er mars 1886 | 44 | 600 |
10 décembre 1892 | 52 | 500 |
27 octobre 1898 | 55 | 482 |
1er mars 1905 | 67 | 769 |
Nombre de titres et de volumes recensés dans les inventaires de la bibliothèque scolaire des enfants
Le rôle de l'inspecteur primaire : contrôler le contenu de la bibliothèque
L'acquisition d'un livre ou d'un manuel scolaire par la municipalité de Saint-Hilaire doit être approuvée par l'inspecteur primaire, qui exerce une mission de contrôle sur le bon fonctionnement et la bonne morale des écoles communales. Les autorisations de l'inspecteur sont parfois consignées dans les inventaires. L'une d'entre elles a été inscrite dans le registre d'invenaire, à la date du 2 janvier 1885 : « Ces 52 volumes ont été achetés suivant autorisation de M. l’inspecteur d’Académie du 15 décembre 1884 et payés à M. Fleury, libraire à Orléans au moyen d’un crédit de 100 frcs, ouvert au budget communal pour les deux bibliothèques » (2 janvier 1885).
L’inspecteur primaire n'hésite pas à se déplacer à Saint-Hilaire afin de vérifier la bonne tenue de la bibliothèque scolaire. Sa signature, qui a été portée sur le registre d'inventaire et d'achats de la bibliothèque scolaire, indique qu'il s'y est rendu tous les deux ans, entre 1880 et 1896 ainsi qu'en 1899.
Signature de l'inspecteur primaire du 5 février 1899, trouvée dans le Catalogue de la bibliothèque scolaire (Archives municipales de Saint-Hilaires-lès-Andrésis).
Deux bibliothèques unifiées à partir de 1905
Le 26 janvier 1905, le conseil départemental autorise la transformation des écoles spéciales de Saint-Hilaire en école mixte à deux classes. Cette nouvelle organisation se déroule le 22 octobre 1906. Elle conduit à la réunification des bibliothèques des écoles spéciales en un seul et même lieu : la classe des garçons.
« À la suite de la transformation en école mixte à deux classes des écoles spéciales de Saint-Hilaire-lès-Andrésis (autorisation du conseil départementale du 26 janvier 1905), il a été procédé à la fusion en une seule des deux bibliothèques séparées. » (Catalogue de la bibliothèque classique des garçons) |
Le contenu de la bibliothèque des élèves jusque dans les années 1920
Les premières décennies du XXe siècle sont marquées par la diversification des disciplines scolaires. À cette époque, la bibliothèque des élèves de Saint-Hilaire contient des livres se rapportant au chant et à la musique, au dessin, aux enseignements ménagers pour les filles, à la gymnastique, aux sciences physiques, aux cours de travaux manuels ou encore aux traités de composition décorative.
Des ouvrages marqués idéologiquement sont également proposés aux élèves de Saint-Hilaire. Ils apprennent notamment à lire avec Le Tour de France par deux enfants, un manuel scolaire à succès, écrit par Augustine Fouillée-Tuillerie sous le pseudonyme de G. Bruno et dont la première publication remonte à 1877. L'histoire raconte le périple de deux frères orphelins qui, ayant été forcés de quitter l'Alsace-Lorraine dont ils sont originaires, à la suite de l'annexion de ce territoire par la Prusse, tentent de retrouver leur oncle à travers le territoire national. Destiné à l'apprentissage de la lecture, cet ouvrage moralisateur et patriotique propose une description stéréotypée des provinces françaises, reflétant par-là le contexte idéologique de son époque.
L'école se fait également le relai du mouvement hygiéniste puisqu'un livret d’enseignement antialcoolique est proposé à la consultation.
Le projet du meuble-bibliothèque (1912-1914)
En 1912, un projet de modernisation de l’école mixte est envisagé. La réalisation d'un meuble de rangement pour la bibliothèque y est inclus. Ce meuble est décrit ainsi dans le cahier des charges adressé aux artisans : « Les bibliothèques avec cinq rayons à crémaillères auront 2m 15 de hauteur, 1m 20 de largeur et 0m 40 de profondeur. Elles seront en sapin de 0.030 d’épaisseur avec portes à deux vantaux ferrées de charnières, serrure et verrous ; la vitrerie sera en verre demi-double, les bâtis des côtés et les traverses auront 0.050 sur 0.07. »
Le choix des artisans fut annoncé en avril 1914. Les lacunes des archives ne permettent pas de savoir si ce projet de rénovation a été réalisé.
La bibliothèque scolaire des adultes (1877-1913)
Une première bibliothèque pour s’instruire...
À côté de la bibliothèque scolaire destinée aux enfants, existait celle qui s’adressait à leurs familles. La création de la bibliothèque des adultes remonte au 6 février 1877, date à laquelle le ministère de l’Instruction publique octroie 42 livres à la municipalité. Elle contient alors des ouvrages sérieux mais vulgarisés : des essais (Histoire de trois pauvres enfants d’Edouard Charton, Histoire d’un jeune détenu de Gabriel Joret-Desclosières), des livres d'histoire (Georges Washington par Jouanet, Histoire ancienne de la Grèce par Emile Kleine, Histoire au Moyen Âge), des livres de géographie (Les Richesses de la France et Les Richesses de l’Europe par Emile Kleine, Asie et Afrique par Malte-Brun), des oeuvres de fiction (Anthologie des poètes français) et des ouvrages sur l'agriculture (Du rôle des femmes en agriculture, Petite école d’agriculture par Joigneaux, la Culture maraichère, le Calendrier horticole).
Les orientations politiques de la bibliothèque sont assez claires : être un instrument propice à l'instruction du peuple.
… et se divertir à partir de 1878
Il faut attendre l’année suivante pour que la bibliothèque se dote – toujours grâce aux concessions ministérielles – de quelques romans à succès de l’époque. Parmi les ouvrages que les lecteurs peuvent consulter et emprunter, se trouvent Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne, les œuvres de James F. Cooper – l’auteur du Dernier des Mohicans – ou encore Le Robinson Suisse de Pierre Blanchard.
À partir de 1878, la bibliothèque est destinée autant à l'instruction des ouvriers qu'à leur divertissement. Le fonds ne cesse de s'accroître comme le montre le tableau ci-dessous :
Date de l’inventaire |
Nombre de titres |
Nombre de volumes |
6 février 1877 |
42 |
42 |
5 juin 1878 |
68 |
74 |
20 décembre 1881 |
92 |
125 |
5 mars 1882 |
133 |
166 |
27 octobre 1898 |
111 |
146 |
1er mai 1904 |
127 |
164 |
24 juillet 1913 |
160 |
196 |
Les moyens d’acquisition
La bibliothèque bénéficie de plusieurs leviers pour acquérir des livres nouveaux : aides de l'État, du Département et de la municipalité. Ces acquisitions sont essentielles pour renouveler le contenu de la collection et répondre aux attentes des lecteurs.
La bibliothèque a reçu des concessions du ministère de l’Instruction publique dès sa création. Ces concessions ont été relativement soutenues puisqu'on en dénombre en 1877, 1878, 1882 et 1913. Ce sont ces aides de l'État qui ont favorisé l'exsitence de la bibliothèque.
Livre portant l'inscription « Ministère de l'Instruction publique ». L'aide de l'État aux bibliothèques scolaires et populaires se manifestait par des concessions de livres.
La municipalité de Saint-Hilaire a également participé au renouvellement des collections, en achetant deux ouvrages de Jules Michelet sur ses propres crédits : l’Histoire de France (17 exemplaires) le 15 octobre 1879, et l’Histoire de France et de la Révolution française (11 exemplaires), le 20 décembre 1881.
En 1913, le département du Loiret a offert trois ouvrages à la commune de Saint-Hilaire-lès-Andrésis : Poum, aventures d’un petit garçon de Paul et Victor Margueritte, Le Roman d’un bravo homme d’Edmond About et les Lettres de mon Moulin d’Alphonse Daudet.
Les collections croîssent aussi grâce aux dons des particuliers. Arthur Verdier de Pennery, conseiller général du Loiret et originaire de Saint-Hilaire, a offert plusieurs ouvrages à la bibliothèque en 1898, dont La Bâtarde de Xavier de Montépin ou encore La Marquise de Courcelles d'Eugène de Mirecourt.
ex-dono d'Arthur Verdier de Pennery
Les risque d’avoir plusieurs bibliothèques dans un même bâtiment : les livres égarés
Les deux bibliothèques scolaires – adultes et enfants – ainsi que la bibliothèque de la société républicaine semblent toutes les trois être installées au même endroit : l'école des garçons. Cette proximité a occasionné des pertes et des égarements.On retrouve par exemple la biographie de Jeanne d’Arc d’Henri Wallon dans le catalogue de la bibliothèque des élèves (inventaire du 20 avril 1880, en deux exemplaires). et dans celui de la bibliothèque des adultes (trouvé non inscrit dans le catalogue et inventorié le 10 décembre 1892).
Mais parfois les transferts sont volontaires : ainsi le Manuel de gymnastique, acquis en octobre 1880 pour la bibliothèque des adultes, a été transféré dans la bibliothèque des élèves (inventaire du 10 décembre 1892).
Le 27 octobre 1898, a lieu un grand inventaire : l'instituteur et le maire comptabilisent les ouvrages, les comparent aux inventaires précédents et dressent un nouveau catalogue. Plusieurs volumes sont constantés manquants… mais ils sont en partie retrouvés dans « la bibliothèque populaire » le 7 novembre.
Des livres autorisés par l’inspecteur primaire
Tout comme la bibliothèque des élèves, celle des adultes est également contrôlée par l’inspection académique en la personne de l’inspecteur primaire. On retrouve sa signature dans le registre d'inventaire en 1882, 1883, 1886, 1887, 1888, 1897 et 1899.